Les habits neufs du discours raciste
Europe
Étude. Revenant sur les élections européennes, Jean-Yves Camus montre que les thèmes de l’extrême droite ont été repris par les partis traditionnels.
À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale du 21 mars, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a publié une étude du politologue français Jean-Yves Camus sur « l’utilisation d’arguments racistes, antisémites et xénophobes dans les discours politiques ». Instance du Conseil de l’Europe créée en 1993, l’ECRI a pour mission de combattre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance en Europe, au sens large, et de veiller à la protection des droits de l’homme.
« Une des évolutions les plus préoccupantes de ces dernières années est que le discours raciste et xénophobe n’est plus confiné à la sphère assez circonscrite des formations d’extrême droite. Les questions liées à la politique de l’immigration et du droit d’asile, en particulier, sont devenues des déterminants majeurs du vote des électeurs et un élément-clé du débat politique, surtout en Europe occidentale », écrit Jean-Yves Camus. Il constate que globalement les partis d’extrême droite « restent contenus électoralement » lors des élections européennes de juin 2004 à l’exception de la Belgique avec l’ex-Vlaams Blok (23,16 %), et de la Pologne avec la Ligue des familles polonaises (15,92 %) et le parti Samobroona (10,78 %) « Il n’y a pas eu l’explosion du vote d’extrême droite que l’on pouvait redouter. Loin de là . Au sein des pays d’Europe centrale et orientale comme la République tchèque, la Hongrie ou la Slovaquie, la tendance est à la disparition des partis extrémistes des parlements nationaux », dit-il, ajoutant que l’extrême droite est absente ou groupusculaire dans une dizaine de pays européens.
Ces formations ont été dépossédées de leurs thèmes de campagne par les partis traditionnels de droite et de gauche que Jean-Yves Camus qualifie de « mainstream ». L’auteur évoque « une véritable contamination des partis démocratiques ». C’est particulièrement criant au Danemark et aux Pays-Bas, où la campagne européenne s’est focalisée sur les questions liées à l’immigration. Jean-Yves Camus cite aussi le cas de l’Union démocratique du Centre, premier parti de Suisse avec 26,6 % des voix lors du scrutin national de novembre 2003. « L’UDC est un exemple type de parti de gouvernement qui n’appartient ni historiquement ni idéologiquement à l’extrême droite mais à la droite agrarienne et qui a évolué au fil des années vers des positions populistes xénophobes », explique-t-il. Pour lui, il est désormais très clair que, dans quasiment tous les pays de l’Europe, la théorie du « choc des civilisations » gagne du terrain chez les individus socialement ou économiquement fragilisés. « La question de l’adhésion de la Turquie et celle de l’avenir de l’islam en Europe sont devenues des arguments aussi importants que l’immigration et le droit d’asile. »
Damien Roustel
 Journal l’Humanité
Rubrique International
Article paru dans l’édition du 25 mars 2005